Mélancolie du Sénégal
Petites pensées concernant mon voyage d'été au Sénégal... qui se transforment en plongée dans des souvenirs fabuleux !
Et tout ceci aboutit à réouvrir mon dossier de photos, et me voilà
repartie à faire défiler les quelques 2000 clichés pris durant cet été.
Obligée de partager ce moment d'émotion intense...
L'adresse de mon blog de Dakar, pour voir les articles et surtout les photos : ici
J'ai vécu une expérience humaine et professionnelle inouïe, avec
des moments enrichissants et d'autres plus difficiles, mais en résumé
ce n'était que du bonus.
Le service où nous sommes allées est l'un des meilleurs du CHU de
Dakar, avec des médecins absolument géniaux, qui nous ont accueillies
les bras ouverts. Le niveau de la formation médicale et leur compétence
est semblable au nôtre, j'en étais presque étonnée.
Ce qui fait la différence d'avec la France, c'est le manque de moyens flagrant.
Là-bas, même réaliser une prise de sang peut relever du parcours du
combattant. Chaque acte ou traitement à administrer est d'abord examiné
par la famille, pour qu'elle étudie si elle a les moyens financiers
adéquats pour payer les soins.
J'étais en maladies infectieuses, et c'était extrêmement frustrant de
ne pouvoir traiter correctement une infection, car l'hémoculture ne
pouvait être réalisée !
Le service possède une unité de soins intensifs (laissez-moi
préciser...) : en fait, c'est juste une salle avec moins d'une dizaine
de lits, avec... aucun matériel. Pas même un scope, ou de l'oxygène
disponible pour les patients.
Quand j'y suis passée, c'était horrible car j'ai eu 100% de mortalité.
Le lundi matin, en arrivant, je me demandais toujours si mes patients
avaient réussi à tenir le week-end... la plupart du temps, non. Soit
ils étaient venus consulter trop tard, et leur méningite ou neuropalu
était trop avancé ; soit on n'avait pas pu les traiter et donc
l'infection avait terminé sa mission.
Les pathologies rencontrées sur place étaient un mélange entre des
connues (méningites, coma, pneumopathies...) et des grandes inconnues
(neuropalu, tétanos...).
C'était génial et enrichissant d'un point de vue sémiologique, j'ai
révisé et même appris des détails de l'examen clinique ! Les médecins
n'ont que ça effectivement pour diagnostiquer... ils ne peuvent pas se
reposer sur une simple num, ou même une hémoc.
C'est un fonctionnement de la médecine qui m'était totalement
étranger. J'ai essayé de faire mon rôle d'externe, voire de
mini-interne dans ce service, mais c'était frustrant.
Frustrant de ne pouvoir apporter plus d'aide, par manque de moyens.
Frustrant de ne pouvoir sauver les patients, par manque de moyens.
Frustrant de se sentir si seul et abandonné, d'avoir l'impression de se
battre gentiment avec ses petits bras pour rien au final, par manque de
moyens.
Je suis sortie de là admirative des médecins sénégalais qui se battent chaque jour avec quasiment rien.
Consciente également de la chance qu'on a ici dans notre pays, grâce à
la Sécu, qui permet quand même un accès aux soins pour tout le monde.
Et ça, même si c'est un système difficile à gérer et qui est en déficit
permanent, il faut essayer de le préserver.
C'est hallucinant de ne pouvoir traiter une simple infection, par
manque de moyens ! Un petit examen du sang pour identifier la méchante
petite bactérie qui se balade, et hop ! Le bon antibiotique, et on est
reparti comme en 14 !!
Et bien non, ça ne marche pas toujours comme ça. Et je l'ai appris là-bas...
Au moins, ça m'aura ouvert les yeux... j'ai découvert une façon de
faire différente, avec peu de moyens, mais en se basant sur chaque
micro-détail de la clinique, comme si nos yeux se transformaient en
ceux de Superman et qu'on scrutait le patient sous tous les angles.
C'était génial... c'est une expérience inoubliable, que j'ai envie de
partager avec la Terre entière ! Si je m'écoutais, je pourrais parler
de mon voyage et de mon stage pendant des heures.
Je veux encourager chaque étudiant en médecine à partir découvrir la
médecine à l'étranger. Pas forcément en Afrique, même en Europe, ou aux
Etats-Unis, qu'importe... du moment qu'on s'ouvre volontairement à un
savoir-faire différent. Ce n'est que du bonus pour nous plus tard...
pour notre future pratique médicale, pour nous tout simplement, sur le
plan humain.
C'était difficile de préparer ce voyage alors que j'étais en D4.
J'avoue que parfois j'avais (sans doute) mieux à faire que de faire des
recherches sur Internet sur l'hôpital, ou alors à contacter les anciens
externes qui étaient déjà partis là-bas, ou encore à essayer de
dénicher une bourse histoire de survivre financièrement !
Mais d'un autre côté, ça me donnait un but, un "après-ENC" : je partais
au Sénégal. C'était comme une bouée de sauvetage, sur laquelle je me
rattachais aveuglément quand je me sentais couler sous les révisions.
Je ne regrette pas une seconde cette formidable expérience que j'ai
vécue, même si je ne l'ai pas préparée à 100% comme je voulais. Je n'ai
pas eu le temps de gérer des détails, et franchement c'est pas si
grave. L'essentiel était prêt... Et tout ceci ne m'a pas pénalisée à
l'ENC !! Je ne peux pas imaginer une seconde que les heures que j'ai
perdues à souffler et à reprendre du courage et de l'espoir, m'ont fait
perdre quelques centaines de places !
A diffuser largement à tous les étudiants en médecine de France et de Navarre : partez !
Allez découvrir un autre pays, une autre culture, une autre vision du monde !
Allez vous ouvrir les yeux, le coeur et le cerveau avec une approche différente de la médecine !
Allez vous découvrir vous-même, surtout si vous n'êtes PAS du genre aventurier (comme moi)...
Et allez-y l'été de la D4, c'est le meilleur moment de vos études :
vous venez de vivre une année éprouvante avec la préparation de l'ENC,
prenez donc une grande bouffée d'oxygène. Et ce, avant de débuter une
nouvelle tranche de vie avec l'internat...
Ce voyage m'a apporté beaucoup. J'ai l'impression d'avoir appris à
relativiser certains détails matérialistes de notre société, et de
m'être "zénifiée" (ça ne m'a pas fait de mal, croyez-moi).
J'ai le sentiment de m'être ouverte à une autre vision des choses, et
tout ceci m'a donné envie de voyager encore plus, pour découvrir encore
plus.
Pour devenir une vraie petite citoyenne du monde...