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L'internat en général...
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23 octobre 2008

Erreur de jeunesse

    Avant d'être externe, on est "étudiant hospitalier". En langage médical, on est P2 (2e année).
On est dans un état d'euphorie totale, parce qu'on a réussi le concours P1, on fait partie des "meilleurs des meilleurs". Le concours a écrémé les moins bosseurs, les plus nuls, ceux qui n'arrivent pas à apprendre vite et bien... on se la joue, quoi. Il n'y a pas vraiment beaucoup de mérite, car c'est un concours, donc par définition injuste. Certes, il faut apprendre, gober, avaler et digérer des tonnes d'informations, tout en les organisant dans notre mémoire, en les comprenant et en sachant les utiliser à bon escient. Mais il faut savoir rester concentré pendant les épreuves, être bien, et surtout avoir de la chance.

scrubs                                                                                                              Après ce passage obligé, on fait partie de l'élite. On est les plus forts, on est les plus intelligents, on va tout écraser sur notre passage ! C'est vrai, quoi, on est les futurs médecins du pays ! C'est pas n'importe quoi.
On arrive alors plein de bonnes (ou mauvaises ?) intentions dans le milieu hospitalier.


    P2. Premier contact avec ce milieu particulier : le stage infirmier, qui dure un mois. Chacun d'entre nous est catapulté dans un service de l'hôpital, n'importe lequel, que ce soit de la médecine, de la chirurgie, de la consultation... On peut débarquer n'importe où.
Ce stage est mis en place pour sensibiliser les futurs médecins au travail paramédical. L'étudiant est sous la responsabilité des infirmières, et aide le personnel à chacun des gestes, tout en les apprenant.
Pour ma part, j'ai effectué ce stage dans un service de chirurgie orthopédique. L'équipe était géniale, tout le monde s'est super bien occupé de moi, et c'est là que j'ai commencé à comprendre qu'en s'investissant un minimum, on s'ouvre un maximum de portes.
J'ai accompagné les aides-soignants désinfecter les chambres, laver les personnes âgées ; j'ai appris avec les infirmières à faire des piqûres, à poser une perfusion... J'ai même eu l'opportunité d'aller au bloc assister à la pose d'une prothèse de hanche.
    Super expérience. (Je m'étais même persuadée que j'allais devenir chirurgien...)

    P2 toujours. Durant l'année, une fois par semaine, on joue au docteur à l'hôpital. On déboule par groupe de minimum 6 étudiants, jeunes, innocents, naïfs. Trop, peut-être. Notre mission : tenir les murs, et thromboser (boucher) les couloirs.
Les médecins, tout comme les patients, doivent redouter ce passage obligé pour tout futur médecin. Il en faut du courage pour nos chefs de clinique pour s'occuper de nous, dès le début !
Apprentissage de la sémiologie (en gros, des symptômes).
Apprentissage de la base de toute observation : l'interrogatoire et l'examen clinique.
Apprentissage pratique : rencontre réelle avec des vrais patients.

    Mettons-nous à la place du patient. Déjà, c'est pas hyper réjouissant d'être à l'hôpital. En principe, on n'est pas bien quand on y va. Si on y reste, c'est que le problème est grave, ou alors qu'il va se régler avec des soins hospitaliers.
L'équipe a beau être compétente et sympathique, si le patient voit s'engluer dans sa minuscule chambre 6 étudiants prépubères, en pseudo-blouse blanche, avec les mains dans les poches... il soupire inexorablement.
"Venez écouter les crépitants de Mr. X !"
Et bim ! le pauvre papi voit se déployer devant lui plusieurs stéthoscopes flambants neufs, de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et pour la plupart, mis à l'envers (dans les oreilles évidemment). Rectification du chef de clinique, et hop!, on est paré pour tout écouter et tout entendre.
Défilement de stéthos froids et maladroits dans son dos... Le papi, qui était déjà bien fatigué par son hospitalisation et sa décompensation cardiaque, commence à voir sa vie défiler devant ses yeux.

    Vient mon tour. Souvenir tellement angoissant, tellement humiliant, mais finalement tellement réel et risible quelques années plus tard. (Je reste persuadée à ce jour que je ne suis pas la seule à qui ce mauvais tour est arrivé.)
Je pose mon stétho rouge tout beau tout neuf sur mon premier vrai patient. J'avais déjà écouté les poumons de mes co-externes pour commencer. Mais là, je suis docteur, j'ai un patient à soigner. Je vais entendre quelque chose de pathologique dans mes oreilles, ce ne sera pas une auscultation normale. Pression...

    ...
Rien. Bon, c'est bizarre, normalement il y a toujours un petit bruit de respiration... (plus professionnellement appelé "murmure vésiculaire", mais je le retiendrais plus tard.)
Je ne panique pas... je repose mon stétho ailleurs. J'ai dû le poser trop bas...
Ou alors le papi n'a plus de poumon, et c'est là le piège ??!!
Non, je persiste. A gauche. En haut. A droite.
Rien.
Merde ! Je tente un regard vers ma chef de clinique, qui me sourit et m'encourage à continuer.
Mais qu'est-ce qu'ils ont entendu les autres ????? J'entends même pas ce qui devrait être normal !
Je vois ma chef qui fronce les sourcils en ma direction. Elle doit sentir qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
Bah non, ça va pas, votre papi, là, il a pas de poumon !

ist2_5623147_stethoscope   
    Je regarde l'extrémité de mon stétho (le truc au premier plan sur la photo). Il n'est pas percé, il a l'air de fonctionner...
Je tapote dessus pour voir si j'entends le bruit de mon doigt dessus.
Rien.
C'est bizarre qu'il ne marche plus, je viens juste de l'acheter...
"Il faut juste que tu tournes l'extrémité de ton stétho."
...
Eh oui, car il faut savoir qu'on peut écouter avec les 2 faces de l'extrémité du stétho. Une grande membrane pour les poumons, les coeurs... et la plus petite pour les artères par exemple.
J'avais juste tourné par mégarde l'extrémité de mon stétho, et forcément, je ne pouvais rien entendre avec la grande membrane.

    Moment de solitude. Je sens mes collègues sourire et les moqueries qui vont suivre, mais surtout le papi qui soupire, exaspéré.
Je me demande ce qu'il a pu penser de moi. Sûrement que j'étais l'étudiante en médecine la plus débile qu'il ait jamais vue.
N'empêche. Je suis sûre que certains de mes collègues ont, comme moi, appris ce jour-là qu'on pouvait tourner un stétho.
C'est en faisant des erreurs qu'on avance...


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Commentaires
L
Par définition, c'est en se plantant qu'on prend racine!
M
ça me fait bien plaisir de voir que je ne suis pas la seule gourde à faire encore des conneries de ce genre...<br /> je vous rassure, je pense que même si ça vous arrive encore, c'est pas fini !<br /> on verra si je fais encore ces bêtises en tant qu'interne... suspense !
T
ça m'est encore arrivé... hier ^^ bon je m'en suis aperçue tout de suite, car j'entendais vraiment que dalle et j'avais tourné le bouton avant pour écouter les carotides...<br /> <br /> mais quand même...<br /> <br /> moi la + grosse bourde récente, c'est "oh chouette il y a de l'aniosgel, enfin !!!" perdu, c'était du savon... ^^
C
MDR!!!<br /> <br /> moi on m'avait bien prévenu que le stétho avait un sens, mais tout comme toi, j'avais pas remarqué que ca tournait en bas... il m'est donc arrivé la meme chose, mais genre au 5eme patient... j'ai cru que j'étais devenue sourde...<br /> pour les petits qui liraient ton blog, je tiens a dire qu'arrivée en 4 eme année, ce truc qui est pas dans le bon sens, ca m'arrive encore régulierement... tu crois que c'est foutu pour moi, faut que j'arrete mes études ici??? lol
L'internat en général...
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