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L'internat en général...

L'internat en général...
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17 octobre 2011

Comment on devient docteur en médecine

    La première des choses est de trouver une date pour soutenir sa thèse.

Combiner les emplois du temps surchargés de plusieurs professeurs de médecine, de soi, et les disponibilités des salles de thèse. Résumée en une phrase aussi minuscule, banale et ridicule, cette étape paraît dérisoire. Grand Dieu non ! Du temps, de l'énergie, des coups de fil répétés et incessants pour tenter de joindre désespérément chacun des potentiels membres du jury, des échanges de mail qui n'en finissent pas... Tout cela en étant présent à l'hôpital pour remplir son rôle d'interne. Difficile, donc.

 

    Ensuite, étape plus personnelle : prévenir ses proches pour les réunir en ce jour si particulier. La consécration au bout de 10 ans, il est temps !

Se vêtir de son plus bel apparât, costume pour les uns, tailleur pour les autres. Il faut savoir investir dans des tenues classes, au moins une fois dans sa vie de médecin. Oui, car d'habitude, c'est jean-baskets planqué sous la blouse. Là, pas de masque. Juste soi, et il faut assurer. Autant paraître éclatant, même si cela reste superficiel, mais au moins ça donne une très belle première impression. Une belle tenue, ça en jette.

 

    Se préparer psychologiquement à l'exercice délicat et inhabituel de la prise de parole en public.

Curieusement, ça change des topos présentés à la hâte lors des staffs hospitaliers, ou encore lors des cours.

Même si la soutenance est une formalité, elle n'est reste pas moins intense et angoissante. On présente son travail, que dis-je, son dur labeur (!), face à un jury qui juge notre prestation publique du moment, ainsi que notre façon de présenter oralement, nos mimiques, nos tics de langage... Tout est passé au crible.

Il faut ainsi savoir lutter contre les "euh...", les répétitions pourtant si faciles à enchaîner, les mains moites, la voix chevrotante. Ne pas oublier de regarder son public. Parler avec les mains si cela aide... (moi oui !). Se promener, mais pas trop. Transpirer le naturel.

 

    Pas de recette miracle. Savoir rester concentré malgré tout, et passionné par ce travail qui représente l'apogée d'une dizaine d'années d'études et qui couronne tout l'investissement personnel mis en jeu. Ce n'est pas rien... Apprendre à être fier de ce que l'on a pu produire, même si c'est toujours critiquable et pas forcément parfait, mais ça a le mérite d'avoir été réalisé avec envie, acharnement, rage et passion.

Rester soi-même. Et le tour est joué.

 

    Ah oui ! Dernier détail : avoir pondu une thèse, avant.

 

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31 janvier 2011

Passage de témoin

    L'internat est une période charnière dans la vie d'un médecin.
Il y a d'abord l'augmentation des responsabilités professionnelles, avec le début des prescriptions - toujours sous l'autorité d'un médecin thésé évidemment.
Il y a ensuite la présence à l'hôpital, avec les journées qui n'en finissent plus, et qui durent parfois jusqu'au lendemain matin.
Tout ceci dans un contexte de vie estudiantine qui continue, avec une présence à valider sur les bancs de la fac... toujours et encore. Assise sur sa chaise de fac à 27 ans, c'est parfois difficile.
Et non, je n'oublierais pas la thèse, seulement je n'ai pas envie de m'étendre sur ce sujet passionnant - et déprimant - en ce moment.

    Il y a tout de même une évolution visible durant l'internat. On se rend compte qu'on a acquis beaucoup de connaissances théoriques, mais également pratiques. On a commencé à se forger une expérience et un 6e sens, qui peinent à transparaître, mais qui sont néanmoins présents.
Et cela on le réalise grâce à nos externes.

    D1, D3, D4... Je n'en ai pas beaucoup eu durant mes stages d'interne, mais actuellement oui.
Et c'est tout simplement génial ! J'apprends à déléguer (oui, oui), j'essaie de faire mon rôle d'interne et de leur expliquer des cas, et j'ai envie de leur faire aimer ce métier qu'ils commencent à pratiquer à mes côtés en leur montrant les patients les plus intéressants ou atypiques.

    Je passe du dernier échelon à l'avant-dernier : il y a des personnes en-dessous de moi...
Des personnes à qui j'essaie d'enseigner le maigre savoir qui a légèrement grossi depuis le début de mon internat.
Ce n'est plus à moi qu'on dit "ah bon ? tu n'as pas fait le TR* ?". Mais c'est moi qui le leur dit !
Ce ne sont plus mes observations qu'on critique.

    J'évolue, je grandis ! C'est à la fois impressionnant et épanouissant.
C'est à moi dorénavant de passer dignement le témoin, ce bagage médical qu'on apprend certes dans les bouquins, mais surtout en vrai, au contact des patients.
J'espère le faire correctement, pour que ces jeunes externes soient d'excellents internes dans quelques temps.

*TR : toucher rectal pour les intimes

26 novembre 2010

Come back

    Après plusieurs mois d'absence, me voici de retour en milieu hospitalier.
Adieu le mode de vie ambulatoire, la salle d'attente blindée, et le rôle de super docteur avec une cape cachée sous la blouse pour tout gérer en moins de 20 minutes.
Retour en milieu protégé, où on ne se retrouve quasiment jamais seul, où une équipe est présente à nos côtés pour réfléchir sur les cas compliqués, et où on a le temps d'aller faire pipi quand bon nous semble (ou presque).

    Me voici revenue auprès de mes p'tits vieux, que j'avais délaissés depuis un an.

    Déjà un mois !

    ... ça fait du bien.

26 août 2010

Amour éternel

    Elle a 34 ans. Elle a un regard malicieux, une chevelure rousse sublime et un corps de rêve.
Elle a un fils âgé de 9 ans, est mariée depuis une dizaine d'années. Elle habite dans un appartement coquet pas loin du centre ville.

    Elle a besoin de consulter son médecin traitant pour un problème de digestion.
Elle ne peut pas sortir de chez elle, parce qu'elle vient d'accoucher de 2 jumelles adorables, il y a quelques mois. Son appartement est au 7e, et il n'y a pas d'ascenseur.
Sortir de chez elle tient du parcours du combattant, et elle ne peut pas sortir avec ses enfants si elle est seule.

    Nous nous rendons donc à son domicile.
C'est une femme magnifique, qui a tout pour être heureuse - me dis-je bêtement.
Elle a une certaine tristesse présente dans son regard, comme s'il avait perdu son éclat.

    Et ce n'est pas peu dire.
Elle a vécu une passion dévorante avec un homme il y a quelques années. L'amour fou, à tous points de vue. Une vraie complicité les unissait, ils partageaient tout - comme deux amants peuvent le faire.
Ils partaient parfois en week-end en amoureux, sortaient souvent en ville.
Il lui est même arrivé de se demander si la situation ne serait pas plus simple si elle divorçait pour vivre au grand jour avec lui.
Puis un beau jour, elle est tombée enceinte de lui.
Un vrai coup de massue pour elle. Ne pouvant mettre un terme à sa grossesse, elle a dû garder son bébé et l'annoncer à son mari comme étant le sien. Les siens. Des jumeaux !

    Elle a vécu sa grossesse seule. Elle a préféré mettre un terme à sa relation de passion avec son amant, et conserver une situation stable avec son mari et son fils.
Elle portait les enfants de son amant, et ne pouvait en parler à personne.
Alors elle a choisi de se confier à son médecin... Soumis au secret médical, personne ne peut l'en délier ! Enfin une oreille attentive. Pas besoin qu'elle soit compréhensive, moralisatrice ou condescendante. Mais juste une oreille.

    Elle a mis au monde ses jumelles dans une douleur et une peine insoutenables. La joie de la naissance de ses enfants est restée minime à côté de sa souffrance.
Les petites ont presque 1 an aujourd'hui, et son regard reste aussi sombre.
Son amour éternel restera à jamais gravé dans sa propre chair, et dans la chair de ses enfants.

14 juin 2010

Nidation

    J'entame déjà ma septième semaine chez mes praticiens en ville. Je commence tout juste à trouver enfin mes repères, à me forger une petite place dans cet univers assez solitaire qu'est l'exercice libéral.
Je n'ai jamais mis autant de temps à m'habituer à un service. Après tout, l'hôpital ressemble à l'hôpital : un service hospitalier n'est plus vraiment nouveau quand on a passé le plus clair de son temps depuis des années à l'hôpital.
Mais la ville, c'est un milieu inconnu. Des pratiques différents, un exercice solo et étranger à tout ce que j'ai pu connaître auparavant. Il ressort de cela un petit côté frustrant... avoir la sensation de ne rien savoir après 8 ans d'étude !
Le rôle de l'interne, essentiellement observateur, est un peu simpliste au début.
On a l'habitude de tout faire dans nos expériences précédentes aux urgences, c'est-à-dire de gérer les patients de A à Z. Et là, on se retrouve au second plan, assis sur une chaise un peu à l'écart de la consultation, mutique et étudiant tout ce qui se passe devant nous.


    Mais après cette longue période de tâtonnement, je commence à m'installer confortablement, à faire mon petit nid.
Il n'est jamais trop tard ! C'est là enfin que je touche du doigt mon vrai futur métier.
Pas de grosse surprise, j'adore.
Il faut néanmoins que je mette les bouchées doubles côté travail personnel, car il faut que je réapprenne tout ce que j'ai ingurgité ces dernières années, pour tout assimiler du point de vue du généraliste. Les cours que j'ai travaillé ne sont pas toujours bien traités pour un médecin de premier recours, et c'est très dommage. Il faut que je malaxe tout ce petit savoir dans mon cerveau pour devenir un bon médecin de proximité.
Mais je ne vois pas le temps passer, que je sois en face des patients en consultation, ou bien que je sois face à mes cours, que je retravaille à ma façon, pour moi. Pas pour des partiels, ni pour l'ECN. Juste pour moi, et mes patients.

    Petit à petit, l'oiseau fait son nid...

    (Pensée à tous ceux qui ont passé l'ECN et qui vivent maintenant une merveilleuse période de relâchement !)

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13 mai 2010

Maison ou hôpital ?

    L'une des questions importantes à appréhender en médecine générale est celui de la prise en charge optimale des patients à domicile. L'hypothèse de l'hospitalisation est parfois soulevée, et il faut savoir peser les bénéfices et les risques de les laisser tranquillement à la maison pour les traiter.

    Cette question s'est posée plusieurs fois concernant une patiente de 82 ans que nous avons vue à domicile avec mon praticien.
La première fois, sa fille nous a appelés pour une fatigue apparue depuis 24 heures.
En effet, lorsque nous la voyons, elle présente une hypotension profonde, elle qui d'habitude est hypertendue. Nous sommes frappés par son teint pâle. Le reste de l'examen clinique est strictement normal.
Sa fille nous explique que le cardiologue a rajouté un second médicament anti-hypertenseur une semaine auparavant. Sa fatigue a commencé la veille, et elle n'a pas pris le traitement.
L'hypothèse que nous retenons est un effet indésirable médicamenteux, et nous conseillons à la patiente d'arrêter son traitement anti-hypertenseur.

    Le lendemain matin, nous revenons au domicile de la patiente car sa fille l'a retrouvée le matin même au pied de son lit. Elle est toujours aussi fatiguée, et n'arrive pas à tenir debout.
Quand nous arrivons dans sa chambre, la première réflexion qui me vient est qu'il est nécessaire de l'hospitaliser. Elle est toujours hypotendue, et est très faible car elle n'avale rien depuis 2 jours.
Mon praticien est d'accord avec mon impression, mais la discussion avec la fille nous oriente vers une prise en charge à domicile. Elle préfère s'occuper de sa mère à la maison, et ne souhaite pas une nouvelle hospitalisation dont sa mère se remettra difficilement, comme la dernière fois.
Mon prat essaie de tempérer les choses et de lui expliquer que l'effet iatrogène cache peut-être autre chose de grave. Il prescrit un bilan sanguin à faire en urgence le matin même, et les résultats seront faxés directement à son cabinet l'après-midi.

    Vers 16h, le laboratoire nous faxe les résultats. Nous les lisons entre 2 patients dans une salle d'attente bondée.
Hyperleucocytose à 16000/mm3, CRP à 286.
Une petite sonnette d'alarme retentit dans ma petite tête : il faut hospitaliser ! On a besoin de compléter le bilan infectieux avec une analyse d'urine, une radio de thorax, des hémocultures voire d'autres prélèvements. Il faut la surveiller en milieu hospitalier avec un scope, et une perfusion. Et il faut débuter les antibiotiques.
Erreur de débutant ! Je n'ai eu qu'un exercice essentiellement hospitalier, et la ville m'est encore étrangère. Quel réflexe nerveux j'ai eu là... Mon prat était beaucoup moins alarmiste que moi, et il a préféré instituer le traitement en ville.
On peut donc traiter un syndrome infectieux en ville... avec des signes de gravité quand même... chez une personne âgée fragile... mouais, ça se discute tout ça.

    Le lendemain matin, nouvel appel de la fille car sa mère ne va pas mieux. Toujours très faible, hypotendue, ne s'alimentant pas, coincée au fond de son lit.
Une hospitalisation est finalement décidée. Le diagnostic retrouvé aux urgences est une pyélonéphrite.

    La patiente n'est pas encore revenue au domicile.
J'espère simplement que tout se passera bien à l'hôpital, et qu'aucune complication nosocomiale ne viendra perturber l'histoire naturelle de l'infection urinaire.
Tout va si vite pour les personnes âgées : un grain de sable, et la machine s'enraye. Une infection, une sonde urinaire, une chute, une perte d'autonomie. Et pas de retour à domicile possible. Et tout cela en quelques jours.

    On croise les doigts pour le retour à domicile.
Ses médecins traitants l'attendent de pied ferme !


3 mai 2010

Premier jour

    Premier lundi du mois de mai, encore un nouveau "premier jour" pour moi.
4e premier jour de mon internat.

    Cette fois-ci, premier jour d'une ère nouvelle, d'un exercice nouveau. Premier jour en ville, en libéral.
Premier jour dans mon futur métier.
Nouvelle pratique, en cabinet, en tête-à-tête avec le patient, en face à face avec un praticien, et seule avec la clinique. Pas de plateau technique, pas de laboratoire à portée de main, pas de radiologie au bout du couloir. La clinique et moi, seules.

    Premier jour de reprise dans la médecine adulte, après 6 mois passés à raisonner en dose-poids et en milligrammes.
Adieu les minuscules crevettes, les enfants hauts comme 3 pommes, les adolescents boutonneux et introvertis, les adolescentes flamboyantes et extraverties.
Fini le service coloré avec des animaux peints sur les murs, les vitres décorées de stickers, la salle de jeu remplies de peluches, de jeux et de bouquins.

    Premier jour riche !
Beaucoup de personnes âgées, représentant une médecine complète et très intéressante. Le sourire franc ou timide des petites mamies, qui ressentent un brin de fierté de participer à la formation des médecins de demain. En pleine forme pour leurs 90 ans !
L'air nonchalant et décontracté des papis en jogging.
Et, et... et beaucoup d'autres choses à raconter, mais ma tête est encore trop fouillie en ce premier jour pour tout détailler et analyser.

    Et un exercice... varié. Le pied.
De la rhumato, de la néphro, de l'ophtalmo, de la gastro, de la cardio... et même de la pédiatrie ! Les réflexes reviennent vite pour certains, et d'autres sont encore camouflés sous les couches de connaissance pédiatrique.

    Super nouveau premier jour. Prédictif d'autres à venir, je le souhaite.

    Bon courage à tous dans vos nouveaux premiers jours !

14 avril 2010

Ninja-power

    Avec ce beau soleil aujourd'hui, je me disais que ça sentait la fin. La fin d'un merveilleux stage où j'ai beaucoup appris, où j'ai fait de sympathiques connaissances, et où j'ai enfin appréhendé l'examen d'un nouveau-né/nourrisson/enfant/adolescent en toutes circonstances.
Y'a pas à dire, il faut être un minimum ninja pour examiner un enfant aux urgences pédiatriques.

    Mises en situation :

    - Lucas a 3 ans, il tousse beaucoup depuis aujourd'hui. Sa mère décide de l'emmener aux urgences pour voir un médecin, et pour certainement lui faire un aérosol pour l'aider à respirer. Elle a l'habitude, il a fait beaucoup de bronchiolites, et il a eu souvent de la *VentO* prescrite par son docteur. Elle explique donc la marche à suivre à Lucas, qui accepte sans broncher. Jusque là, tout va bien, on se dit qu'on va avoir à faire à un ange. Sauf que, 2 heures plus tard, lorsqu'enfin il y a un box de libre aux urgences pédiatriques et que l'infirmière peut installer Lucas, il n'arrête pas de tousser et de pleurer, et que l'attente mêlée au bruit, au monde, et à l'interne qui débarque comme une furie dans le box "jusque pour poser un bout de stétho"... eh bien, Lucas, il n'arrive pas à s'arrêter de pleurer et de bouger et de crier.
But : ausculter des poumons qui sont occupés à hurler, pour essayer d'entendre des tout-petits-petits sifflements.

    - Clémence a 20 mois, elle vient de faire une crise convulsive et elle se retrouve aux urgences pédiatriques sans trop avoir compris tout ce qu'il venait de se passer. Elle sent ses parents très stressés, inquiets, et le voyage en camion de pompiers n'a pas été de tout repos. Et puis, au bout de 3 heures, elle commence à avoir faim. Donc elle pleure... Et le pauvre interne qui tient à tout prix à examiner ses tympans...
But : examiner des tympans avec 3 mains alors que la nature nous en a confiées seulement 2.

    - Sofia a 2 ans, et c'est une princesse. Pardon, LA princesse. Ses parents lui passent tout, ils n'ont absolument aucune autorité sur elle. Elle fait tout ce qu'elle veut à la maison, chez la nounou, etc, etc. Bref, une sale gosse qui mériterait bien d'être recadrée par une super nounou. Quoi qu'il en soit, ses parents sont très préoccupés par cette espèce de petit bouton qui est apparu sur sa cuisse gauche depuis 3 jours, donc ils l'emmènent aux urgences vendredi soir à 20h. (Bien-sûr.)
Sauf qu'après 4 heures d'attente, elle n'en peut plus, ne tient pas en place, hurle à plein poumons et tente de mordre les 2 infirmières qui tentent désespérément de la peser.
But : poser un diagnostic dermatologique rarissime en urgence chez une princesse pourrie-gâtée qui refuse qu'on la touche.

    - Kevin a 15 ans, et s'est juste bourré la gueule avec ses copains. A la suite d'un pari ridicule, il a bu 2 litres de bière, et malheureusement il ne tient plus debout et a déjà vomi 3 fois. Il est ramené aux urgences sur un brancard par des pompiers, et dans un semblant de lucidité, il essaie de se lever quitte à frapper l'aide-soignant qui le maintient allongé.
But : examiner un gars bourré. (même item qu'il ait 15 ou 45 ans).

    - Steven a 9 ans, il est espagnol et passe sa semaine de vacances en France. Brutalement, il a eu très mal au ventre, et a même pleuré. Son papa, fou d'inquiétude, l'emmène aux urgences. Après un brillant examen clinique et un chouïa d'examens complémentaires, le diagnostic de constipation est posé. Un lavement s'avère malheureusement nécessaire.
But : baragouiner dans un anglais atroce qu'on va devoir mettre une sonde dans les fesses du môme pour lui évacuer son surplus de caca.

    - Tiffany a 16 ans. Elle est mariée depuis quelques mois, et ne rêve que d'une seule chose : avoir un bébé. Elle vient aux urgences pédiatriques (eh oui, pas de bol, la limite c'est 18 ans !) parce qu'elle a très mal au ventre depuis 3 jours, et elle s'inquiète. L'examen gynécologique et une échographie retrouveront un kyste fonctionnel de l'ovaire, fréquent à cet âge-là.
But : discuter de grossesse, et de bilan pré-conception chez une adolescente qui est 2 fois plus jeune que soi.

    - Juliette a 8 mois et elle est adressée aux urgences pédiatriques par son médecin traitant pour fièvre depuis 3 jours. L'enfant pleure à la vue d'une blouse blanche (dommage), mais est finalement vite apprivoisée par un joli stéthoscope coloré.
But : savoir poser correctement une poche de recueil d'urine chez une petite fille (c'est forcément un poil plus facile chez un petit garçon).

    - Amélie a 14 ans, et est amenée aux urgences par les pompiers parce qu'elle a pris des médicaments, suite à une rupture sentimentale. Elle est endormie aux urgences, et de toute façon, elle n'a pas envie de parler.
But : faire une évaluation psychiatrique approfondie chez une adolescente ensuquée, au milieu d'une salle d'attente bondée et bruyante.

  - Jordan a 17 jours et est amené en catastrophe par ses parents aux urgences, parce qu'il pleure. Dommage pour l'interne qui est réveillé en sursaut pour l'occasion à 4h du matin, le bébé ne pleure plus aux urgences, parce que le trajet en voiture l'a calmé et endormi. 
But : savoir déboutonner et reboutonner le body dans le bon sens, la tête dans le c., et sans étriper les parents.

    Qu'est-ce que j'oublie ?

    Un mot pour résumer : *UNAGI*


15 mars 2010

Peu de choses

    "Je m'appelle O., j'ai 6 ans et je suis super contente. Mes parents nous ont amené en France, pour les vacances, et on est allés dans un super grand parc d'attraction ! C'était une surprise pour notre anniversaire, à mon frère et à moi.
C'est vrai, on a été sages à l'école, et on voulait trop aller là-bas !
On a passé une semaine dingue, on a trop rigolé ! On a fait tous les manèges, on a beaucoup marché, on a pris plein de photos.
Je vais pouvoir crâner devant toutes mes copines, chez moi, en Bulgarie. Moi je suis allée en France ! C'est pas tout le monde qui peut y aller.
    On a pris la voiture de location pour retourner à l'aéroport. Mais on n'a pas pu prendre l'avion. Je ne me souviens pas de ce qu'il s'est passé, tout est noir dans ma tête quand j'y pense. Je me rappelle qu'on était tous les 4 dans la voiture, sur l'autoroute. Et puis il y a avait beaucoup de monde, alors on ne roulait pas très vite. Je crois qu'on était même arrêtés.
Après, je me souviens d'un gros choc, et des cris de Maman. Tout est devenu noir..."

    "Je me lève de mauvaise humeur ce matin. J., ma fille, n'en fait encore qu'à sa tête. Elle refuse de s'habiller pour aller à l'école, et je râle parce que je vais être en retard à l'hôpital.
Il faut impérativement que je prenne la relève de ma collègue à 8h15, et pour une infirmière du SMUR, je ne peux pas être à la bourre.
J'arrive en catastrophe à 8h20 dans les locaux du SMUR. L'équipe qui sort de garde prend le café, et tout le monde me salue en souriant, mais ils ont la délicatesse de ne pas me faire la moindre remarque. Ils connaissent mon caractère...
J'ai à peine le temps de me changer que le bip sonne.
"Un AVP sur l'A* !"
Branle-bas de combat, on part dans le camion.
On ne sait jamais sur quoi on part, en définitive. On découvre toujours sur le tas, au fur et à mesure. Les informations fournies sont toujours minimalistes.
En arrivant sur l'A*, c'est un carnage. Une dizaine de voitures accidentées, et réduites en bouillie. Le SMUR secondaire est déjà sur place, ils rentraient d'une inter' et n'étaient pas loin des lieux de l'accident.
Pas le temps de réfléchir, on y va. On essaie de recueillir les circonstances : a priori, haute cinétique, VL contre VL. En gros, un bouchon, des voitures à l'arrêt, et une autre qui arrive un peu trop vite derrière. Beaucoup trop vite.
Le VL le plus anéanti est vert métallisé. Je ne sais pas pourquoi ce détail me marque. Une femme est penchée près de la fenêtre arrière gauche, et pleure. A côté d'elle, un homme tient une petite fille dans ses bras. Elle ne pleure pas. Elle a l'air en état de choc.
Le passager arrière gauche est le frère de la petite fille. Il est toujours coincé dans l'habitacle. On a mis du temps avant de l'extirper de là, mais c'est pas évident quand les banquettes arrières sont en position verticale. Le petit garçon n'est pas bien, on est obligés de l'intuber sur place. On l'amènera plus tard en réanimation pédiatrique.
La 2e équipe du SMUR amène le reste de la famille à l'hôpital. La seule qui a l'air d'aller bien, c'est la petite fille..."

    "Punaise, j'ai pas envie de bosser aujourd'hui. En plus, je suis en chir, ça me gave parce que c'est toujours la même chose : une radio et cassé/pas cassé. On ne réfléchit pas vraiment comme en médecine, mais l'avantage c'est que ça va plus vite pour les patients.
En arrivant à 9h, toutes les infirmières parlent des victimes de l'AVP que le SMUR a ramené : une famille roumaine ou croate, qui rentrait de vacances.
Je commence par voir la fille du couple qui n'a qu'une fracture du coude. Elle a l'air apeuré, mais en même temps, être à l'hôpital dans un autre pays, avec des gens qui ne parlent pas sa langue, c'est pas évident.
Le père est un peu plus sérieusement atteint : fractures de l'omoplate, des côtes... avec pneumothorax. Lui, on l'a transféré en réa assez vite.
La mère va bien. Elle n'arrête pas de faire des va-et-vient dans le couloir, elle s'inquiète pour son fils qui est parti dans un autre hôpital, si j'ai bien suivi...
Elle m'a dit qu'elle avait un peu mal à la tête. Etant donné la violence du choc, j'ai préféré négocier avec le radiologue un scanner cérébral, que je n'ai toujours pas récupéré..."

    "Le service de pédiatrie est assez calme en ce moment. On a dépassé les épidémies de bronchiolite et de gastro, ça allège un peu le travail. On a toujours un peu de place, et on n'est pas obligé de transférer les enfants dans d'autres hôpitaux, c'est quand même plus pratique.
L'interne de garde vient d'appeler : on va avoir un hébergement, une petite fille de 6 ans qui a eu un accident de voiture, et ses 2 parents sont hospitalisés en réa.
Je crois que le père a un problème pulmonaire, et la mère a une hémorragie cérébrale, ou quelque chose comme ça.
Je pense que ça va être compliqué pour communiquer avec la petite, car aucune de nous dans l'équipe ne parle bulgare. Je crois qu'un des médecins de cardio est d'origine bulgare, on pourrait lui demander..."


6 mars 2010

... Enfin !

    Enfin...

    Après 18 mois non-stop d'hôpital, je vais enfin avoir 6 longs mois en cabinet, à tester enfin mon métier, que je peine à toucher du bout des doigts depuis le début de mon internat.
6 mois rien qu'à moi, partagée entre 2 praticiens différents, pour apprendre la médecine de ville, qui reste pour l'instant floue dans mon esprit.
De la pratique, enfin...
L'hôpital, c'est bien, on apprend énormément. Mais c'est tellement loin de la pratique libérale, du concept de "médecin traitant" et de la façon de faire, tout simplement. On passe d'un exercice d'équipe, avec un plateau technique complet disponible jour et nuit, à un exercice seul sans examen biologique ni radio sous la main en urgence, seul avec nos mains et notre cerveau, seul avec la clinique.

    Je vais pouvoir enfin m'épanouir dans mon métier, appréhender ce que je vais faire durant les décennies qui vont suivre, et qui diffère quelque peu de tout ce que j'ai pu faire et apprendre depuis le début de mes études.
Vivement que la filière de médecine générale entre dans le cursus médical dès le deuxième cycle, avec un stage obligatoire pour tous chez un généraliste. Après tout, près de 50% des étudiants en médecine choisiront la médecine générale, autant en avoir un avant-goût, plutôt que de la choisir par défaut, sans la connaître, et tenter d'y échapper par divers moyens de pseudo-spécialisation tels les diplômes complémentaires.

    Enfin je vais me sentir à ma place, la travailler, m'y installer - je l'espère - confortablement.

    Rendez-vous dans 2 mois pour mes débuts de presque-généraliste !


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