C'est la famille...
Une des choses difficiles à gérer à l'hôpital est incontestablement les accompagnants des patients. Je ne dois pas avoir suffisamment de bouteille pour savoir quel terme utiliser, ou comment les rassurer/renseigner... tout en paraissant crédible.
En même temps, aller dire à 2 soeurs que leur père est sur le point de mourir d'un choc septique, et les voir toutes les deux fondre en larmes... je les avais au bord des yeux, moi, les larmes, quand mon chef leur a parlé.
Je n'en suis pas encore capable...
Savoir utiliser les bons mots pour téléphoner au fils d'un patient à 1h du matin pour lui faire comprendre que la pathologie de son père est sérieuse, et qu'il faudrait qu'il se bouge pour venir le voir rapidement.
Ou alors, l'exemple le plus récent, est celui d'une gentille patiente démente et frontale de 84 ans qui est adressée pour déshydratation sévère (hypernatrémie à 171... chapeau, la maison de retraite !). Elle est accompagnée par sa fille et son gendre, qui doivent avoir la bonne cinquantaine.
Dès que j'entre dans le box, je me sens jugée. Ils me regardent tous les deux des pieds à la tête, et le regard de la fille se fixe sur ma blouse, à l'endroit où est inscrit "interne". Je me présente, elle me répond qu'elle a vu qui j'étais.
Alors déjà, le peu de confiance en moi que j'ai réussi à accumuler durant ces 3 premiers mois s'envole aussi sec.
Et là, je me mets à leur place. J'imagine ma grand-mère dans ce brancard, accompagnée de mes parents. Et une jeune interne qui débarque... Forcément, on se doute qu'elle va faire de son mieux, mais que ce ne sera peut-être pas suffisant.
J'essaie de sauver les apparences, j'examine tranquillement ma petite mamie qui est mignonne comme tout. Elle rigole dès que je souris !
La fille est restée pendant l'examen, et ne cesse de me parler ou de me poser des questions. Je tente de me persuader que c'est moi le docteur, et c'est à moi de gérer mon interrogatoire et mon examen clinique. Certes, j'ai besoin des précieuses informations de la fille étant donné que la patiente est ininterrogeable, mais c'est moi qui mène le jeu. Non mais.
Je prends mon air sérieux, je suis un roc à l'extérieur, je sais très bien ce que je dis... tandis qu'à l'intérieur, je tremble comme une feuille parce qu'elle arrive toujours à m'impressionner avec son regard pénétrant et rabaissant.
Je leur explique la conduite à tenir, le processus lent de réhydratation qu'il va falloir débuter... tout en insistant bien sur la physiologie, en me disant qu'ils ne sont pas médecins, et que forcément, ils vont acquiescer...
Ce qui m'amène à parler des accompagnants médecins. La barbe ! Ce sont probablement les pires. En me mettant encore à leur place, je sais à quel point je peux être collante.
Je me sens comme chez moi dans un hôpital, donc aucun problème pour aller dans le poste de soins demander des informations sur le membre de ma famille qui est hospitalisé. Limite je prendrais le dossier médical sans rien dire à personne !
Et les patients-médecins... aïe aïe aïe ! Ils sont sympa tout de même, ils me regardent avec bienveillance, se rappelant de leurs propres débuts. Une de mes patientes en traumato était médecin, et j'ai dû suturer la plaie qu'elle s'était faite à la main... oups ! Je n'avais pas fait de suture depuis 3 ans, et je sentais au fur et à mesure de mes points qu'elle se décomposait un peu.
Heureusement que mes gentils chefs sont toujours là pour m'épauler et aller parler avec moi (ou sans moi d'ailleurs) aux familles.
Le temps que je me forge ma propre expérience... même si ce sont toujours des moments difficiles à appréhender.